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tictacogecko secundo
28 juillet 2013

KLEBER, LOUÉ SOIT LE MERCENAIRE

Cheveu coupé ras, joue balafrée, regard fixé sur une ligne bleue qui n’est pas forcément celle des Vosges, Kléber est un soldat de fortune. Ses débuts, il les avait faits avec les Affreux, recrutés par Moïse Tschombé, lors de la sécession du Katanga. «On a bien rigolé avec les Balubas, reconnaît-il, avec un sourire carnassier. C’est là que j’ai vraiment commencé à vivre. En Algérie c’était pas la même chose». Faut dire que les six mois qu’il avait passés dans l’OAS après qu’il eût déserté, ne furent pas d’une drôlerie irrésistible. «Le jour les troufions français, la nuit les fellouzes, tu parles d’une partie de cache-cache» !

Après ses aventures rocambolesques au Congo ex-belge, qui lui valurent de voir sa tête mise à prix par le président Kasavubu, Kléber s’est retrouvé sans emploi pendant quelques temps. Revenu en France par le chemin des écoliers, il a bouffé son pécule en trois ou quatre semaines. Beuveries, coucheries et gueuletons ont eu raison de son capital.

Se souvenant opportunément qu’il était titulaire d’un CAP de mécanicien, il a déniché un petit boulot dans le garage à Narbonne d’un ancien adjudant de paras de la Coloniale. La solidarité des combattants n’étant pas un vain mot, le juteux fermé les yeux sur toutes les âneries de son compagnon d’armes. Il n’ a tout de même pas été mécontent le jour où Kléber a été enrôlé par un ministre. En qualité de chauffeur-garde du corps et homme à tout faire. «Je suis bien content pour toi mon vieux. Ca c’est un job dans tes cordes».

Lors de la campagne électorale qui a suivi, Kléber a donné toute la mesure de son talent. Deux colleurs d’affiches du MMM (Mouvement Marxiste-Monarchiste) à l’hôpital ; une permanence du PDP (Parti Démocrate Progressiste) incendiée et dix-huit réunions électorales du FRC (Front Radical Chrétien) sabotées à coups de boules puantes ou de lancers d’essaims de guêpes. Le ministre a été ébloui par ce savoir-faire. Tellement qu’il a décidé d’envoyer son expert exercer ses talents ailleurs. «Alors Kléber, ça vous plaît la politique ? – Affirmatif mon ministre ! – Eh bien vous allez être content. Le cheikh Abdul Zorglub, souverain de Marjah, est un monarque éclairé. Il veut s’offrir une campagne électorale lui aussi. Il nous a demandé une assistance technique. On ne peut rien lui refuser il vient de nous acheter cinq centrales nucléaires et 90 Mirages. Alors je vous ai désigné. – A vos ordres mon ministre» !

Kléber a claqué les talons et s’en est allé prendre ses nouvelles fonctions. Malgré la très grande liberté dont il a disposé là bas pour organiser les opérations, Kléber s’est vite aperçu que l’intérêt de son action serait limité, compte tenu de l’absence totale de toute opposition dans cet émirat de quatre millions d’habitants.

Fort heureusement, il est tombé un soir, au bar du Hilton, sur Horst Müller, ancien sergent-recruteur de Tschombé, qui lui a annoncé l’imminence d’un coup d’état au Zurugan. «Si tu n’as pas perdu la main tu peux te joindre à nous». Kléber ne se l’est pas fait dire deux fois. Il a troqué son costume civil contre une tenue camouflée et il est parti avec Müller. Au Zurugan il a retrouvé avec plaisir les embuscades, les assauts, les corps-à-corp. Sans compter qu’il a été promu major. Avec une solde en conséquence. A laquelle se sont ajoutés naturellement droit de pillage et droit de cuissage. La belle vie quoi !

Mais les bonnes choses n’ont qu’un temps. Quand le Nabab Chatterjee eut enfin conquis le pouvoir, il fit montre de cette ingratitude qui est le propre des tyrans, en expulsant ses conseillers militaires . Müller a alors parlé à Kléber de la République de San Fernando, en Amérique Centrale. «Le colonel Martinez cherche des techniciens pour la remise en ordre des institutions. Et c’est bien payé». Kléber n’a pas hésité une seconde. D’autant plus qu’il ne connaissaît pas l’Amérique centrale. Toujours l’envie de voir du pays.

A Vaduz (Liechtenstein) où se faisait le rassemblement, Kléber a retrouvé quelques vieux copains comme l’ex-légionnaire Velichkovic, le grec Papadiamantopoulos et les frères Toricelleza, les jumeaux napolitains. La réunion de famille quoi ! Jusqu’aux Bahamas le voyage a été joyeux. Après… Pour gagner les côtes du San Fernando, il a fallu s’entasser dans de minuscules canots pneumatiques, alors que la mer était démontée.

Velichkovic a dégueulé tripes et boyaux. Probable que toute la bière qu’il avait éclusée avant d’embarquer y était pour quelque chose. Pour couronner le tout à l’arrivée, en lieu et place des hommes du colonel Martinez, ils ont été reçus par un comité d’accueil d’une centaine de barbudos du FFL (Front Fernandiste de Libération). La déveine quoi ! Et cet imbécile de Velichkovic qui n’était même plus foutu de se servir de sa Uzi. « Laissez-moi crever là » qu’il hoquetait. Si Papadiamantopoulos n’avait pas eu le réflexe de balancer deux ou trois grenades incapacitantes, les choses auraient sûrement mal tourné.

Quand les hélicos de Martinez sont enfin arrivés, ils ont embarqué tous les mercenaires. Plus trois ou quatre barbudos, encore sous l’effet des grenades. Des chefs sans doute. Les autres ont été joyeusement émasculés et zigouillés. «Voilà cent alliés de plus» a laissé tomber en rigolant le commandante Aguilar.

N’empêche que Kléber qui en a pourtant vu des vertes et des pas mûres au Katanga, au Zurugan et ailleurs a commencé à trouver les méthodes de Martinez, limites. L’âge sans doute, l’usure aussi. Voilà qu’il s’est repris à penser aux propositions faites il y a quelques mois par Sheridan, un sergent-recruteur anglais. « La solde est pas terrible d’accord, mais la bouffe est impec et l’uniforme, alors là ! – C’est quoi déjà ton armée, avait demandé Kléber appâté ? – L’Armée du Salut »…

 

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